Irina Teodorescu en résidence au Centre Hospitalier Métropole Savoie

Lectures Plurielles propose chaque année, depuis 2014, à des anciens lauréats du Festival du premier roman de Chambéry de s’immerger dans le quotidien des usagers, patients et équipes de différentes structures de santé du territoire. L’idée est de créer des passerelles entre ”l’hôpital” et la littérature en utilisant des structures médico-sociales comme lieux d’expérimentation artistique. Unique contrainte : la réalisation d’un texte de 30 000 signes. Aucun sujet imposé, pas plus que le style. Seule n’a d’importance que l’imprégnation d’un écrivain en un terrain inconnu. Car à travers ces projets, l’intention première est de reconnaître et faire vivre l’intensité de la dimension humaine de ces institutions. Davantage qu’une simple observation, cette expérience est de l’ordre de l’échange. Il est question d’entrer dans un monde qu’on ne connaît pas ou peu.

 

En 2019, c’est Irina Teodorescu, invitée pour le 32e Festival du premier roman, qui a été conviée à participer à une résidence d’écriture aux Centre Hospitalier Métropole Savoie. A l’issue de cette immersion, elle a écrit un texte intitulé Géographie de la douleur, qu’elle a présenté à la bibliothèque des patients de l’hôpital en janvier 2020.

 

“N-cadre-de-santé m’informe que les soins palliatifs sont la seule unité de l’hôpital où on a le droit d’avoir des plantes. Et les plantes profitent bien de cet environnement, il y a beaucoup de lumière et beaucoup de douceur. Dans le couloir, il y a deux orchidées, une seule est en fleur. Un cactus, un dracaena, deux cannas. Je pousse le cactus, je m’assois à côté, sur le rebord de la fenêtre, il y a tellement de lumière que je plisse les yeux, je suis dos contre la vitre et exactement face au salon aux couleurs douces où l’on reçoit les familles pour discuter. Demain viendront s’asseoir ici le père et le compagnon de Madame E. Madame E a 36 ans, je l’ai appris ce matin, son prénom est C. Son père a dit : j’ai déjà perdu mon fils, je ne peux pas supporter de perdre ma fille. Il n’est pas revenu depuis deux jours. La vie est une fiction, les planisphères sont des fictions, si ça se trouve au centre de la Terre il y a une autre Terre, c’est ce que j’opposerai à ce père si jamais.”